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L'auditorium Wanda Landowska

Un audio guide sur la vie de cette personnalité et sur sa maison à Saint-Leu est disponible ici

A travers les deux noms auxquels il se rattache – Wanda Landowska et Jean-Charles Moreux –, l’auditorium de Saint-Leu-la Forêt représente un double patrimoine musical et architectural.

Fruit d’une collaboration étroite entre Wanda Landowska elle-même et l’architecte Jean-Charles Moreux, le bâtiment de l’Ecole de musique ancienne de Saint-Leu-la-Forêt  est, comme l'écrit le claveciniste Skip Sempé,  « un monument d’une rare importance dans l’histoire de la représentation, de la formation et de la pratique musicale »

Wanda Landowska fait appel à Jean-Charles Moreux, architecte, décorateur, paysagiste qui sera le maître d’oeuvre de ce projet.

Celui-ci est alors à un tournant de sa carrière. Très lié au milieu artistique parisien, ami de plusieurs peintres et écrivains dont André Derain, Raoul Dufy, Gorgio de Chirico et Jean Cocteau, il est attiré par le style néo-classique après avoir soutenu le mouvement moderniste.

Depuis la fin du 19ème siècle, la volonté du mouvement artistique et notamment architectural de nier les apports de la technique et des ingénieurs est battue en brèche dans l’ensemble de l’Europe. La Russie, la Hollande, l’Allemagne, l’Italie et la France adoptent l’idée que la révolution industrielle et technique doit être assimilée et utilisée dans la création artistique.

Ce mouvement va s’accélérer entre les deux guerres avec, entre autres, la création par Walter Gropius, pendant la république de Weimar, de  l’école du Bauhaus qui sera liquidée par les nazis. L’idée essentielle de l’école était d’affirmer que si un objet est bien conçu pour répondre à sa fonction, la beauté viendra de surcroît ; peut-être est-ce un peu radical mais cela a permis de débarrasser la création de toute une ornementation chère au 19ème siècle. En Hollande, c’est le mouvement De Stijl qui est le fer de lance de cette même pensée ; citons également les constructivistes russes ou les futuristes italiens.

La France est quant à elle traversée par différents mouvements, surréaliste, dadaïste, cubiste, etc. En matière d’architecture ce sont surtout des individualités qui épousent ces théories comme Le Corbusier, le seul à avoir tenté de théoriser son travail, Robert Mallet Stevens ou encore André Lurçat dont Jean-Charles Moreux fut l’ami. Il fut même avec lui, l’un des promoteurs du rationalisme et de la production en masse de logements sociaux, où l’hygiène et le confort étaient considérés comme une « nécessité impérieuse ».

Toutefois, il reste en deçà des militants du rationalisme et de « la machine à habiter » de Le Corbusier : « Restent tous les perfectionnements que chaque jour nous apporte la machine,…, l’usine ou l’industrie, les recherches scientifiques que nous appliquons sans cesse, avec discernement mais, encore une fois, sans lyrisme. »

C’est donc dans ce contexte de débat pour intégrer le fonctionnalisme et l’ingénieur à l’acte de construire que fut édifié l’auditorium de Saint-Leu-la-Forêt (la construction commença trois ans après une importante exposition du mouvement De Stijl à la galerie L’Effort de Paris).

Le projet qu’il soumet à Wanda Landowska, tout en étant moderne par ses formes simples, dégage une rigueur classique qui, dès son inauguration, le fera comparer à un temple.

De nombreux dessins et plans cotés, conservés dans les archives de la Cité de l’architecture à Paris, montrent que l’architecte conçoit un projet global comprenant une salle d’auditions et le jardin attenant.

Pour dégager le plus possible d’espaces verts, il positionne le bâtiment au fond du jardin, contre le mur est de la propriété en prenant aussi appui sur le mur nord, dans la continuité d’une serre existante.

Il s’agit d’un bâtiment charnière, dans lequel, si un certain classicisme perdure, apparaissent, en revanche, des éléments issus du mouvement moderne.

Classique le bâtiment l’est par la symétrie présente dans le plan et dans la façade d’entrée (sud), tout comme par l’arc en plein cintre de la porte principale. Toutefois si l’arc est gratuit et n’est en rien une contrainte constructive mais un effet ornemental, la symétrie du plan n’est pas en contradiction avec le programme de l’opération, assez simple somme toute : une salle avec une scène et de petites annexes (sanitaires et office). Enfin l’ensemble de la construction n’est pas sans évoquer Claude-Nicolas Ledoux. 

Cette symétrie est toutefois atténuée par la position de l’auditorium dans le jardin. En effet, la façade d’entrée, comme on l’a vu très classique, ne fait pas face à une allée y menant mais à un massif végétal. Ainsi aborde-t-on le bâtiment de trois-quarts, ce qui n’est pas sans rappeler, en mineur, l’arrivée à la Chapelle de Ronchamp de Le Corbusier, mais surtout ce qui laisse parfaitement découvrir en premier lieu la façade moderne (à l’ouest) du bâtiment.

En revanche l’absence d’ornements (exceptée la corniche qui protège la façade), la pureté brute des volumes parallélépipédiques, l’utilisation de fenêtres en longueur, le toit terrasse, la composition des façades est et ouest, l’utilisation de matériaux industriels sont autant d’intégrations de l’architecture moderne défendue par les différents mouvements internationaux.

Ainsi, si ce bâtiment peut évoquer une parenté avec Ledoux, ce sont surtout Mallet-Stevens et Le Corbusier qui viennent à l’esprit en le découvrant.

Il faut remarquer que  Wanda Landowska a été très présente à tous les stades de l’opération alors qu’elle aussi, dans son domaine, se trouvait précisément à la charnière du classicisme et de la modernité. Car si elle enseignait et jouait une musique « ancienne » selon ses propres termes, elle était dans l’esprit, dans l’approche de son métier et de son enseignement, très avant-gardiste, ce qui ne lui valut pas que des amitiés.

Il est certain que Wanda Landowska lui donna des instructions précises, aussi bien pour ce qui concerne les volumes de construction que la disposition et les capacités d’accueil des diverses parties intérieures (concerts, enseignement, cours et masterclasses). Elle veilla aussi bien à l’acoustique qu’à la  nature des matériaux à utiliser et à l’ordonnancement des jardins. 

Les bâtiments de cette nature où se disputent différentes visions, différentes approches, sont tout aussi intéressants pour le patrimoine que les manifestes purs et durs, Ainsi peut-on évoquer dans l’histoire de l’architecture, la basilique de Saint-Denis, dont la façade est de tradition romane et le chœur une superbe réalisation gothique, est-elle une mine d’enseignement pour l’évolution de l’architecture. 

Miraculeusement préservée avec sa verrière d‘origine à l’architecture unique,la Salle de Musique présente une luminosité naturelle rayonnante caractéristique qui traduit une volonté de sa créatrice de rompre avec le noir traditionnel des salles de concert dédiées au répertoire symphonique du Parthénon des compositeurs réputés du 19° siècle. 

La Salle de Musique est certainement l’un des rares exemples de constructions de cette nature, conçue dans ses moindres détails par une musicienne de renommée mondiale,  à être dédiée aussi bien à la tenue de concerts qu’à l’activité pédagogique. Tout en y accueillant ce qui peut être considéré sans doute comme le premier festival d’été en France, Wanda Landowska y développa tellement d’activités que le Temple de la Musique Ancienne devint vite un centre d’enseignement international pour le répertoire de la musique baroque. C’est bien, en effet, à Saint-Leu-la-Forêt, que Wanda Landowska créa ce mouvement considéré encore aujourd’hui et avec le recul comme l’un des plus influents dans le domaine de l’interprétation comme dans celui de la pratique de concert. 

Au départ, le trait de génie de Wanda Landowska fut d’ imaginer qu’à vingt kilomètres de Paris, dans ce qui n’est alors qu’un village au cadre certes charmant mais encore rural et isolé de tout, on pourrait faire venir des musiciens, des écrivains, des plasticiens, des élèves –jusqu’à quatorze nationalités différentes à la fois-  originaires de toute l’Europe et du reste du monde, pour assister aux concerts du dimanche après-midi mais aussi pour suivre un enseignement prolongé de haut niveau. 

Le 13 décembre 1926, Wanda Landowska achète le terrain nécessaire à la construction de la Salle de Musique  et de ses jardins. Elle dresse immédiatement les plans la création de l’École Wanda Landowska qui, en quelques saisons, acquiert une renommée internationale, devenant vite le centre le plus important au monde dans le domaine de la musique ancienne et de sa redécouverte. Son enseignement avait débuté dans la villa voisine qu’elle avait achetée  auparavant mais la demande d’une plus large ouverture à ses masterclasses et à des concerts était vite devenue pressante.

Le 3 juillet 1927, la Salle de Concert est inaugurée en présence d’un très nombreux public dont l’enthousiasme va vite devenir légendaire. Wanda Landowska donne un concert au clavecin et au piano, accompagnée par son ami Alfred Cortot,lui aussi au piano. Tous les critiques de renom sont présents et rendent compte en termes élogieux du succès remporté par cette nouvelle salle, du charme de ses jardins et de l’interprétation remarquable donnée des œuvres de Bach, Couperin, Rameau, Chambonnières, Mozart et Pasquini.

Le Temple de la Musique Ancienne  est consacré dans l’allégresse et retient vite l’attention du milieu musical dans le monde entier. Les journalistes témoignèrent de son acoustique quasi-parfaite et louèrent la fraicheur des jardins d’où jaillissait le chant des oiseaux qui venait agrémenter les trilles du clavecin, le tout dans une ambiance bucolique dont Wanda Landowska avait longtemps rêvé. Elle trouvait enfin le cadre idéal propice à l’épanouissement de son art, qu’elle définissait comme une communion avec son public autour d’un vécu commun, utilisant la formule suivante : « Un profond sentiment de paix et de joie, on est loin du monde et pourtant on partage l’intimité avec les alentours. »

De récentes recherches concernant les confiscations opérées par les Nazis en France durant la 2° guerre mondiale prouvent qu’en septembre 1940 le pillage de la propriété de Wanda Landowska à Saint-Leu – plus d’une cinquantaine de caisses dont le contenu n’a jamais pu, pour la plupart d’entre elles, être retrouvé – était l’un des premiers et des plus importants vols culturels effectué en France. Son caractère est éminemment symbolique parce qu’il vise autant une musicienne juive de renommée internationale qu’une résidente Française à la personnalité brillante et distinguée. Un document établi par les Nazis en janvier 1941 et qui a été retrouvé décrit l’ensemble des biens saisis à Saint-Leu comme ceux d’« une propriété juive abandonnée ». La propriétaire se voit ainsi privée à tout jamais de la protection gouvernementale normalement allouée à toute « propriété culturelle Française. »

Redonner  sa vocation première à l’œuvre de Jean-Charles Moreux, à savoir, l’audition et l’enseignement  musical, c'est-à-dire, réhabiliter le bâtiment mais également restaurer le rapport fonctionnel entre construction et destination serait non seulement un acte de sauvegarde du patrimoine architectural en tant qu’œuvre mais également en tant qu’esprit de la chose construite.

L'auditorium de Wanda Landowska est en vente. Une association de sauvegarde se bat pour que cette propriété privée  revienne à sa vocation initiale sous la forme d'un Centre musical et artistique (cliquer ici pour consulter le site de l'association).


Après des études d’ingénieur, il opte pour l’architecture et obtient son diplôme à l’École des Beaux-arts de Paris en 1922.Grand profil de Romain, alliant l’élégance aristocratique à la force du paysan, c’est ainsi qu’apparaît Jean-Charles Moreux (1889-1956) aux yeux de ses contemporains.

Il se lie d’amitié avec André Lurçat et sous son influence, il se passionne pendant quelques années pour l’architecture puriste. En 1930, il adhère à l’Union des artistes modernes.

Dès 1923, il dessine des meubles très architecturés, conçus selon des tracés régulateurs.

S’il étudie des modèles d’habitations à bon marché et des meubles standard, il travaille parallèlement pour des mécènes tels le couturier Jacques Doucet, le baron Robert de Rothschild, le vicomte Charles de Noailles.  

En 1926, sa rencontre avec Bolette Natanson, la fille d’Alexandre Natanson, fondateur de La Revue blanche, est déterminante pour l’évolution de son art.

Elle l’introduit dans un milieu d’intellectuels, d’artistes et de musiciens.

Ils voyagent et travaillent ensemble. C’est au retour d’un voyage en Italie avec Bolette qu’il commence à intégrer dans ses créations des références à l’Antiquité romaine, à la Renaissance et au baroque. 

Tous deux férus d’histoire naturelle, ils inventent des compositions surprenantes à partir de papillons, de coquillages, d’oiseaux naturalisés. lls ouvrent, dira Marcel Zahar, « les portes du Merveilleux ». Convaincu que l’artiste doit lutter contre l’uniformité du monde industriel, Moreux se tourne vers la tradition classique et s’inspire librement des oeuvres de Ledoux et de Palladio ; il s’impose comme ensemblier, architecte-scénographe, muséographe et créateur de jardins.

Dans les nombreux jardins urbains qu’il dessine, seul ou avec les frères Véra, il met l’accent sur l’approche géométrique, l’économie des végétaux et les illusions de perspective obtenues par des jeux de miroirs.

Le jardin public des Gobelins, qu’il réalise à Paris en 1938, se présente comme une puissante alliance d’éléments baroques et de tracés classiques. Nommé architecte en chef des Bâtiments civils et palais nationaux, il est chargé de réaménager les galeries de peinture du musée du Louvre, et plus particulièrement le décor de la galerie Médicis.

Jean Charles Moreux  reste donc aujourd’hui plus connu comme designer que comme architecte, sans doute parce que son mobilier créé pour une clientèle aisée et célèbre reste une bonne valeur en salle des ventes, alors que ses œuvres architecturales crées pour la même clientèle ont presque toutes disparu. 

 

 

 

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